lundi 30 mai 2011

Un barbecue à Komuniga

Apres avoir joué aux montagnes russes sur les collines, le long de la verdoyante plaine de Plovdiv, la route serpente pour s'élever dans les contreforts des Rodhopes. Puis elle hésite pendant quelques kilomètres, et la voici enfin qui se met à dévaler vers Komuniga. Lorsque nous entrons dans le village, le compteur affiche 80 km, et il est déjà plus de 19h. On est donc tous les deux presses d'arriver, de se poser, de manger et de dormir !



Sur les routes bulgares, nous croisons de nombreux locaux a travailler la terre mais aussi des majestueuses cigognes,
cherchant a manger dans les champs de foin tout fraichement bottelé.
 
Dans le centre du village, nous demandons où planter notre tente à un groupe d'hommes occupés a pitancher à la terrasse d'une petite épicerie – une dalle de béton herissée de feraillages et bordée d'un muret inachevé en parpaings, donnant sur un grand terrain vague jonché d'ordures en contrebas.
On nous invite pour un café. On doit chercher a nous expliquer qu'on peut nous accueillir ici, mettre notre tente là-bas, qu'on sera mieux par là, etc... Mais entre notre niveau de bulgare, encore proche de 0, et le taux d'alcoolémie de nos interlocuteurs, plutôt supérieur à 0, on ne comprend pas tout...
On finit par trouver deux personnes plus sérieuses : Nourdine, bien habillé et respecté de ses pairs, est le Maire du village. Nerdinche, grassouillet en short et sandales, présente l'important avantage de parler allemand : il sera notre traducteur ! Nourdine nous propose de dormir dans un local au sec, bien mieux que notre tente : banco ! Sitot le café terminé, nous voilà partis pour le local en question.
Nous nous retrouvons devant la Mairie, en piteux état : murs décrépis, volets qui pendent, carreaux cassés... Nourdine nous rejoint 10 minutes plus tard, mais son haleine s'est chargée d'alcool depuis la terrasse du café, et son pas est devenu beaucoup moins assuré. Le Maire grimpe les escaliers qui mènent a la porte en titubant, et se rattrape même à la rampe... la scène est pour le moins comique, mais nous essayons de garder notre sérieux !
A l'intérieur de la Mairie, le ballast des neons vit ses derniers instants : c'est sous une lumière blafarde et scintillante que nous découvrons le bureau du Maire et la petite pièce dans laquelle il nous propose de dormir ce soir.

C'est à ce moment que débarque Hazim. En deux minutes, nous voilà repartis vers d'autres hospices : il nous invite à dormir chez lui, avec un vrai lit, une vraie douche et un vrai repas ! Nous quittons Nourdine le Maire ivre et Nerdinche le germanophone en short, et suivons Hazim jusqu'à sa belle maison moderne et fonctionnelle.
Encore une fois, nous sommes les heureuses victimes d'une hospitalite si chaleureuse, si généreuse et si gratuite qu'elle nous depasse : Hazim nous invite a diner, délicieux repas fait de poisson, de salade fraîche, et de rouleaux de feuilles de vigne farcis de riz.



Hazim, Thomas et Nerdinche : trois bons vivants au barbecue ! Pendant ce temps, Elise ballade Dilidia et Deniz.
 
Il nous invite a rester une journée chez lui, proposition que nous acceptons le lendemain matin : cette étape nous permettra de préparer un peu notre arrivée en Turquie, notre passage dans la ville d'Edirne, et aussi, accessoirement, de nous reposer un peu ! En ce samedi ensoleillé, nous partageons donc avec Hazim et ses amis un delicieux barbecue aux airs d'asado argentin...

samedi 28 mai 2011

Des coquelicots dans les talus

Nous avons quitté Skopje, capitale de la Macedoine, voici 10 jours seulement... Un grand merci à Wolf et Sarah qui nous y ont accueilli pendant nos quelques jours d'etape... Wolf, un grand-costaud-à-la-voix-grave-qui-rigole-tout-le-temps, est un allemand tout à fait atypique : il adore l'absence totale de sens de planification et d'organisation chez les macedoniens, et le bordel de l'administration macedonienne...

Une administration dont nous avons pu goûter les délices en cherchant à récupérer les nouvelles roues expediées via DHL, et bloquées par les services de douane... Nous avons du attendre 3 jours, et payer -après une âpre négociation- 15 euros pour le gardiennage du colis pendant que nous attendions l'autorisation de la douane !




Skopje, partagé par la Varda : d'un côté le centre-ville moderne est en plein travaux, de l'autre, le vieux quartier albanais, dominé par les minarets des mosquées et les coupoles des hamams.

Finalement, vendredi 20 mai, mission accomplie à Skopje : nous avons récupéré les roues de Buzuk, fait l'entretien des velos, et appris des rudiments de macedonien. Nous quittons Mathias et Eloi en fin d'apres-midi, autour d'une derniere petite bière Skopska, et filons plein Est, alors que eux descendent vers la Grece.

En Macedoine, puis en Bulgarie, nous sommes immergés dans un monde en alphabet cyrillique. A midi, ah qu'il est bon de manger un bon Бypek dans un petit pectopah (lire : un burek dans un restaurant). Pas evident au départ de suivre l'itinéraire sur les panneaux indicateurs, surtout que ceux-ci se sont fait de plus en plus rares, dépassés à present en nombre par les nids de poule.



Le decrytage de l'alphabet cyrillique nous demande un peu d'exercice tout au long de la journee : sur la route, sur les menus, etc...


Après les montagnes sauvages d'Albanie et du Montenegro, et après la pause urbaine à Skopje, nous trouvons bien agréable de traverser les paysages agricoles de l'Est de la Macedoine : champs d'orge ondulant sur les colines, coquelicots, marguerites et bleuets colorant les talus, et meme nos premieres rizières en arrivant a Koçani...
La Macedoine et la Bulgarie, sont aussi riches en rencontres que les jours precedents : à quelques kilomètres de Skopje, Enis et Judith nous invitent a dormir chez eux, dans leur propre lit, alors que nous avions simplement demande a planter la tente dans leur jardin. A Koçani, nous passons un dimanche en l'agréable compagnie d'un groupe de musiciens, qui viennent sonner la fanfare à la sortie d'un mariage.


Alors que le soleil se couche sur les rizieres, le village s'anime autour des musiciens traditionnels. On se serait cru au festival de Glomel !

Nous passons la frontiere bulgare deux jours plus tard, en haut d'un col, au petit matin, pour redescendre a travers un brouillard à couper au couteau vers la vallee de la Stirva et la ville de Blagoevgrad. En une semaine à peine, nous traversons le sud de la Bulgarie sur 500 km.
A Bansko nous sommes hébergés chez Anton, un couch surfer format armoire a glace, inquietant au premier abord mais adorable au bout du premier quart d'heure. Anton travaille dans le secteur de l'immobilier, du tourisme... enfin, n'importe quoi, tant que ça rapporte !

Le lendemain, apres avoir fait un petit tour dans la vieille ville de Plovdiv (amphitheatre romain, fouilles d'un ancien fort ottoman, eglises orthodoxes, mosquee Djoumaia, marquent les nombreuses influences qui ont contribue a faconner la Bulgarie), Elise remarque les premiers cerisiers en fruit sur le bord de la route... ce soir là, nous serons justement hébergés par Giorgi dans son verger de cerisiers !

Le cycliste et l'armoire à glace !



A Plovdiv, au centre de la Bulgarie,
nous ne sommes plus qu'a 400 km d'Istanbul ! Yeepee !

jeudi 19 mai 2011

Changement d'ambiance

A seulement 3500km de la Bretagne, c'est le vrai début du depaysement et du deboussolement. Finie la touristique côte croate, nous avons penetre dans le cœur des Balkans, riche en histoire, en identites et en contrastes... 
 
A Bar, important port du Montenegro, nous marquons une etape de deux jours : l'un où nous parcourons la nouvelle ville, faite de vieux immeubles en béton et d'un centre commercial a la soviétique, et où nous partageons nos derniers moments avec Erell qui nous quitte ce soir là en ferry pour l'Italie. L'autre où nous visitons le Stari-Bar (la vieille ville), et sentons les premieres effluves de l'orient.
Sans crier gare, des minarets se sont glissés dans le paysage et l'appel du muezzin rythme la journée. Dans les rues, la musique Turbo-folk (mélange de musique traditionelle des Balkans et de rythme électro) sort des maisons à fond les gamelles, et des enfants en costume traditionnel, échappés d'une cérémonie de circoncision, courent partout dans les ruelles...
Bar et Stari Bar, ville etape, et ville tournant :
apres avoir parcouru la cote adriatique, sous l'influence de l'empire Venetien,
nous plongeons dans l'Orient, sur les traces de l'empire Ottoman...

En compagnie de notre nouvel acolyte de route (Matou), nous partons a la découverte de l'interieur des terres pour rallier Skopje, en Macedoine. Nous passons ainsi quelques jours dans les montagnes surplombant le lac de Skadra au Montenegro, faisons une breve incursion dans les confins septentrionaux de l'Albanie, suivie d'une traversée express -mais passionnante- du Kosovo.
Sur les rives du lac de Skodra, entre le Montenegro et l'Albanie

Horn Pipe, Eloi, Buzuk, Elise, Aranda, Matou et son velo encore anonyme...
Thomas est derriere l'objectif !

Entre Skoder en Albanie, et Prizren au Kosovo, il existe une route simple, en bon etat et directe. Mais nous preferons emprunter la "Droniou Highway" : un itineraire bis qui nous entraine dans une des vallees les plus reculees d'Albanie, sur des pistes de terre et de pierre, a travers des paysages a couper le souffle et des patelins isoles de tout, moyennant un leger detour de 150 km :






















Arrivee a Vermouth, aux confins de l'Albanie,
avant de repasser la frontiere pour le Montenegro.

Les routes sont de moins en moins nombreuses, mais les nids de poule, eux, poussent comme des champignons. Le contraste des niveaux de vie est impressionnant : au meme carrefour se cotoient des 4*4 flambant neufs, des charettes tirées par des chevaux, et de vieilles Mercedes crachant une fumée noire (l'Albanie a ete longtemps la destination finale d'un important trafic de Mercedes volees, et les vieilles Mercos sont maintenant legion sur toutes les routes du pays).

Sur notre chemin, on ne nous aborde plus de la meme facon : les enfants courent du haut du village pour venir nous fraper dans les mains ou essayer nos klaxons, et les automobilistes nous regardent avec de grands yeux avant de nous claironner amicalement au moment de nous croiser. Au bar, il n'y a aucune femme mais les hommes, portant des costards depareillés et troués, nous payent un coup lorsqu'ils comprennent d'ou on vient et on va. On commence aussi a nous demander combien valent nos engins de transports...

A présent, les rencontres se font de plus en plus facilement. La fin de journee venue, nous avons pris le pli de demander a des gens si nous pouvons installer nos tentes dans leur jardin. Toute la famille arrive alors pour nous regarder monter notre habitation, puis on nous invite a boire un cafe turc (accompagné d'un petit verre de rakia, l'eau de vie locale), et finalement on termine attablés devant un grand festin, preparé discretement par les femmes, et on nous propose de dormir a l'interieur de la maison !






A Livari, au bord du lac de Skadra, Ugo et Miko nous accueuillent et nous plantons nos tentes dans un de leurs petits pres. Ugo vient meme nous faucher l'herbe sous le tapis de sol !
Le lendemain matin, cafe et rakija (l'eau de vie locale) obligatoires avant de partir !






A cote de Shkoder, nous sommes accueillis dans la famille de Rifat, ouvrier du batiment.

Il nous faut aussi nous habituer aux coutumes locales: lorsque nous proposons de partager de la nourriture que nous avons dans nos sacs, cela est mal pris car on pense que nous n'aimons pas ce qu'ils nous preparent, etc.




Nikolai, Nouch et Josep, nos hotes albanais a Rrapshe Stare,
premier village dans la vallee de Vermouth




A Orahovec au Kosovo, chez Judith et Alica


Le midi, les specialites locales ont remplacé nos piques-niques : burek (sorte de pates feuilletées superposées et fourrées a la viande, aux epinards ou au fromage), kebab, cevapi (sandwich chaud aux boulettes de viande) et patisseries sont seulement pour 2 euros, alors autant vous dire que l'on se fait plaisir...








Minuscules epiceries de campagne, marches de producteurs, ou boui-boui a plat unique... ici la nourriture, carburant du cycliste, est abondant et bon marche !


Nous decouvrons aussi les premières vraies difficultées de communication. En Croatie, nous avons commencé a apprendre le serbo-croate, qui nous a servi aussi au Montenegro, et maintenant en Macedoine, avec quelques variantes. En Albanie par contre, la langue etant bien differente, on essaye de communiquer comme on peut : montrer notre album photo ou reconstituer l'arbre genealogique des familles vivant a 3 generations sous le meme toit sont alors nos activités favorites.
Dans cette région multiethnique par excellence, l'exercice est d'autant plus difficile que albanais, croates, serbes, bosniaques, macedoniens se cotoient - en plus ou moins bons termes - sur les memes territoires, dans les memes villes. Selon a qui l'on s'adresse, il faut donc parler albanais, macedonien, ou serbe...
Une anecdote a ce sujet : au moment de passer la frontiere macedonienne, Thomas demande en anglais au policier macedonien, qui lui rend son passeport, comment on dit « Merci » en macedonien. Le policier lui repond qu'il est albanais et qu'en albanais on dit « Faleminderit ». De quoi boulverser un peu notre concept franco-francais d'Etat-nation !...

On nous demande maintenant regulierement de quelle religion nous sommes, et aussi si nous sommes mariés, parcequ'ici un homme et une femme dormant dans une meme tente, c'est quand meme étrange ! Du coup, nous avons decidé de simplifier la chose et de nous acheter des bagues pour faire croire que nous le sommes.
La ceremonie-bidon s'est deroule durant notre passage au Kosovo  : accueillis a Rohazec par Judith et Alica, des volontaires allemandes travaillant dans deux maisons des jeunes (l'une dans le quartier serbe de la ville et l'autre dans le quartier Albanais), nous avons joue aux maries en fin de soiree, apres quelques verres de Peja, et entre deux discussions captivantes sur le conflit au Kosovo et la guerre en Bosnie.

Meme si depuis une semaine la pluie et les temperatures fraiches nous accompagnent, nous sommes plus que motivés a continuer a nous faire surprendre comme cela vient de nous arriver...


Quand l'averse arrive, vite vite, on se refugie
sous le premier abri venu... et on attend !


Alors des que nous aurons recupere les nouvelles roues de Buzuk (actuellement bloquees par les services de douane macedonienne...), direction Istambul, a moins de 1000 km d'ici.
En attendant, nous decouvrons Skopje, chaleureusement accueillis chez Wolf et Sara...