mercredi 22 février 2012

Premiers tours de roue en France

Froid sibérien
La « ola de frio siberiano » annoncée à la télé espagnole est bien au rendez-vous à notre descente du bus à Irun, à 7 heures du matin. Emmitouflés dans nos doudounes et nos cagoules, on remonte illico les bicyclettes et filons en grelottant, dans un air glacial, vers le pont-frontière. Et hop, nous voilà en France ! Pas le temps de festoyer devant le panneau, ni même de prendre une photo, il fait bien trop froid, on file donc se réfugier dans le premier café venu, chez José, en face de la gare SNCF de Hendaye.
Un type bourru nous accueille d'un grognement avant de nous servir un thé à 3,80 € et de nous refuser une prise de courant pour recharger notre portable... Bienvenue en France ! On quitte là Ywann et Myriam, qui rentrent sagement en train, et prenons la route alors que le soleil peine à percer l'épaisse couche de nuages et à réchauffer l'air gelé. Le thermomètre de la pharmacie du coin annonce – 7°C...


Dernier pépin technique ?
Deux heures plus tard, alors que nous renouons avec le plaisir de crapahuter sur les petites « routes blanches », CRAC, c'est le câble de dérailleur arrière de Buzuk qui pète. Un pépin sans gravité, normalement réparé en 2 minutes chrono avec le câble de rechange emporté dans les sacoches... mais là cela s'avère plus compliqué, car le câble s'est cassé dans la manette de dérailleur, et, avec les mains gelées, j'ai beaucoup de mal à l'en extraire... Je règle la vis de butée pour positionner le dérailleur sur le pignon n°6, et Elise pédale ainsi, à pignon fixe, jusqu'au patelin suivant, Ainoah.
Bref instant d'émotion, c'est là qu'on avait passé notre réveillon de l'an 2009. On y trouve une place au chaud dans un salon de thé mais, même avec les outils prêtés par la sympathique gérante, impossible d'extraire ce maudit câble : il s'est effiloché en sa cassant et les petites filoches de câble l'ont définitivement coincé dans la manette. Quant à la manette, elle est bien sûr indémontable.
Le petit artisan vélociste du patelin suivant nous confirme l'absurdité de la situation : pour un simple câble cassé, il nous faut changer la manette de dérailleur. C'est ballot non ? D'autant plus que lui, il n'en a pas en stock ! Elise continuera donc courageusement 3 jours sur un seul pignon, par monts et par vaux sur les reliefs du pays basque, jusqu'à ce que nous trouvions à Pau un magasin de sport où racheter une paire de manettes de dérailleurs neuves...


Du Pays Basque jusqu'au Poitou
Depuis Hendaye, tout au pied de la longue et rectiligne côte aquitaine, nous traversons le pays basque jusqu'à Pau, par un froid mordant. Nous remontons ensuite vers la forêt des Landes, pour une longue « traversée du désert » (ça rappellerait presque l'Ouzbekistan!) jusqu'au bassin d'Arcachon. Nous y faisons escale quelques jours chez Luc, puis reprenons la route pour remonter toute la pointe du Medoc, sur de longues pistes cyclables entre les dunes et les pins... Les stations balnéaires bondées en été sont désertes, et ressemblent à des villes fantomes.
A la pointe de la Grave, nous embarquons sur un bac pour traverser l'estuaire de la Gironde, et accostons à Royan ; nous poursuivons ensuite notre route au milieu des marais charentais puis des collines poitevines jusqu'à Poitiers, où nous sommes arrivés hier soir.
Déjà 600 km de parcourus depuis Hendaye, la France nous paraît maintenant bien petite et on a l'impression de traverser le pays comme l'éclair ! Nous renouons avec le plaisir de sillonner les petites départementales, de patelin en patelin, et de demander notre route aux petites mamies et aux employés communaux. Peu de visites « touristiques », en revanche on fait régulièrement des descentes d'enfer dans les maisons de la presse et les boulangeries qui jalonnent notre route...


Encore des rencontres...
Depuis notre retour en France, la tente n'a pas quitté le fond des sacoches ; par les températures ambiantes, on ne va pas s'en plaindre ! Grâce aux réseaux d'hospitalité CouchSurfing et WarmShowers, on continue de faire escale ici et là chez des hôtes d'un soir : à Villeneuve-de-Marsan, une famille soudée, deux parents deux enfants (8 et 4 ans), qui se préparent à partir pour un tour du monde à vélo de deux ans – soirée-interrogatoire garantie !
A Sore, un éleveur de chèvres et de brebis perdu en pleine forêt des Landes, avec son fils qui vend sur les marchés des pâtes à tartiner bio et de l'eau dynamisée. A Carcans-Plage, une coloc un peu gipsy d'étudiants bordelais qui ont délaissé la ville, préférant surfer sur les plages de Lacanau plutôt que d'assister aux amphis...


...et déjà des retrouvailles !
Continuer à pédaler tous les jours, continuer à faire des rencontres et des découvertes, rester sur notre rythme itinérant en changeant de lit tous les jours, tout cela nous maintient encore dans l'état d'esprit du voyage... mais petit à petit, on retrouve aussi famille et amis sur notre route, pour notre plus grand plaisir :
A Mauléon-Licharre nous retrouvons Laure, une amie du pays basque qui a suivi assidûment le blog, et nous accueille en fanfare avec sa légendaire joie de vivre et une gigantesque assiette de charcuterie ! A Pau, on passe un week-end avec des collègues de fac d'Elise, entre apéro au Jurançon et dégustations de Saint Nectaire, ballades sur les coteaux dans l'air vif de l'hiver et longues discussions dans le salon au coin du feu...
Sur le bassin d'Arcachon on retrouve le frère et la sœur d'Elise, Luc et Anaïs, descendue de Bretagne pour l'occasion avec la petite Chloé, deux ans déjà, des yeux qui pétillent, des joues à croquer et un sourire à tomber par terre ! Nous quittons le bassin d'Arcachon avec Luc et Perrine, une cousine de Thomas venue de Bordeaux pour pédaler le week-end avec nous.


Un peu plus haut, Jean-François, un oncle de Thomas, vient nous accueillir à la descente du bac à Royan, du haut de son vieux course Peugeot des années 60, retapé pour l'occasion ; il nous conduit jusqu'à Saint-Palais, où nous sommes accueillis comme des rois et retrouvons – encore une surprise ! - Mamine, la grand-mère de Thomas ! Jean-François ré-enfourche sa bicyclette le lendemain pour parcourir 35 km avec nous sur la route pour St Jean d'Angely...

C'est ainsi que de jour en jour, on se replonge petit à petit dans le quotidien de la vie ici, en discutant baraques, bébés, boulot et politique, au lieu de visas, de marque de tente et de pépin de dérailleur... Thomas s'est déjà enfilé un hors-série du Monde sur le nucléaire, le dernier numéro de La Maison Ecologique, et tout le scénario Negawatt 2012 ; et Elise a profité du passage par Melle (79) pour rencontrer les formateurs du lycée agricole où elle viendra peut-être suivre une formation dès le mois prochain... Bref, on est encore en voyage, mais déjà dans l'après... décidément, rien ne nous changera, on est ainsi faits !


Prochaines étapes : Vouvray, St Aubin du Luigné, Rennes, Collinée, Glomel et Loguivy-Plougras. Arrivée prévue à Mantallot dimanche 4 mars... A tout bientôt !

Quelques photos, comme d'habitude :
20120222 - France 1

mardi 7 février 2012

Galicia, oh la la !

Lapierre et Lerose arrivent à Porto 
Porto, vendredi 27 janvier. Nous retrouvons nos amis Ywann et Myriam à l'aeropuerto de Porto (décidément ces derniers jours, on traîne beaucoup dans les aérogares!), et les accompagnons jusqu'à une petite auberge de jeunesse en ville où nous allons rester 2 nuits. Quel plaisir de retrouver des potes, de bavasser des heures, d'éplucher les derniers ragots du Trégor, d'avoir des nouvelles fraîches des copains, des bébés, des chantiers... Après avoir remonté leurs deux vélos, inévitablement baptisés Lapierre et Larose (spécial dédicace aux fournisseurs d'équipement), on sort écumer Porto, dans une magnifique lumière d'hiver. Il subsiste, cachés dans les ruelles, de sympathiques petits bars plus ou moins typiques, où des mamas en tablier vous servent un vino de casa sur une nappe en toile cirée, avec une assiette de pain de seigle version parpaing, un peu lourd mais délicieux ! Ainsi attablés autour d'une carte du Portugal et du Nord de l'Espagne, on réfléchit à l'itinéraire... nous devons impérativement arriver dans les Pyrénées pour le 10 mars. On pourrait couper au plus court, mais il paraît que les paysages de la Galice, sur la côte ouest, sont plus jolis... c'est décidé, direccion Galicia ! C'est aussi dans ce petit bar que nous rencontrons la « manageuse » d'un groupe de musique qui se produit ce soir dans une petite salle pas loin, un groupe de « fado blues world music » qu'elle nous recommande fortement (et, bien sûr, très objectivement). Allez hop, ça fait longtemps qu'on a pas été à un concert... on ne sera pas déçu, ce fut peut être le concert le plus pourri de toute notre vie, deux déjantés qui braillent (faux) dans un mégaphone, dans une salle comble (au moins 15 personnes)... mais la manageuse nous a arrangé une « spécial dédicace » pour les « bikers du monde », et nous offre même un CD (on vous le prêtera), alors ça rattrape tout et on ressort (avant la fin) en ayant bien rigolé ! 

Premières étapes 
On quitte Porto à vélo pour Guimares, une petite étape de 50 km pour le démarrage d'Ywann et Myriam. Jolie cité de pierre envahie de promeneurs en ce dimanche ensoleillé, où on trouve à nouveau à nous loger chez les pompiers... 
On dîne en compagnie de l'équipe de garde et dormons dans la salle polyvalente – sans doute celle qui doit servir au bal des pompiers. Sur la route qui nous mène vers l'Espagne, les encouragements fusent... un papy à qui nous demandons le chemin nous guide en voiture, puis nous redépasse en klaxonnant, puis nous attend à un virage quelques kilomètres plus loin pour nous re-saluer... un autre type nous conduit en mobylette pendant 10 kilomètres, de croisements en croisements, pour trouver un raccourci... A Ponte de Barca nous dormons encore chez les bombeiros, après avoir dîné d'un double steak – patates frites + plâtrée de riz à l'huile + soupe de légumes + fruits au sirop + pichet de rouge maison pour 5,5 € chacun dans un petit restaurant ouvrier. 
Les routes du Portugal ne font pas de cadeau à Ywann et Myriam : le lendemain nous attaquons de vraies petites routes de montagne, et passons un col à 700 mètres (en partant du niveau de la mer ce n'est pas rien !). Ce qui nous attend en Galice ne sera pas décevant, une semaine de montagnes russes avec des côtes à 15% et pas beaucoup de moments plats ! 

Espana ! 
On passe la frontière en franchissant un pont baptisé, de manière fort originale, « puente de la amistad ». Alors que le soir tombe et que la pluie arrive, on se réfugie chez Brais et Javier, nos premiers hôtes espagnols. Dire qu'ils sont membres de « Warmshowers », ce réseau d'hébergement entre cyclistes, pourrait prêter à confusion car ils vivent dans une maison non chauffée, où l'eau chaude est rare... ce sera donc douche froide ! Ils logent ici gratuitement, et se nourrissent de récup de produits périmés dans le supermarché du coin... de sacrés loulous ! Tous deux nous conseillent vivement d'éviter le Sud de la Galice, très urbanisé, pour profiter davantage de la côte Nord, plus sauvage. Le lendemain, on roule donc, sous la pluie, jusqu'à Vigo, une ville plutôt laide, d'où nous prenons aussitôt un train pour Padron, 80 kilomètres plus au Nord. 
Nous arrivons bien tard à l'auberge des pèlerins de Compostelle, près du couvent de Carmen. La dame en robe de chambre bleue qui nous y accueille, assez froidement, nous dévisage et nous demande nos « credencial », ces passeports que les pèlerins font tamponner à chaque étape de leur chemin vers Saint Jacques. Nous n'avons pas de credencial, nous ne sommes donc pas de vrais pèlerins, décrète-t-elle d'un air méprisant. Mais bon il y a quand même de la place pour nous ce soir... Ouf... 

Le centre Bretagne au bord de la mer 
Le lendemain nous arrivons à Noia, une petite ville au bord d'un ria qui rappelle franchement l'Irlande. Deux allemandes nous accueillent chez elles et se mettent en quatre pour nous fournir tout un tas de tuyaux pour la suite de notre route : des photocopies de cartes, des bons plans bivouacs, des noms de jolis patelins et de bars sympas, des petits chemins praticables à vélo... Merci Anette et Eva ! 
Pendant 3 jours on va parcourir ainsi la côte de la Galice, où s'éparpillent des petits villages, beaucoup d'habitat diffus, et des séchoirs à maïs en granit dans tous les jardins. Tout ça ne va pas sans nous rappeler la Bretagne bien sûr... 
En fait, la Galice, c'est un peu le centre Bretagne au bord de la mer ! On bivouaque sur des plages désertées à cette période de l'année, sur lesquelles roulent de puissantes vagues amenées par la houle d'hiver de l'Atlantique. Quel bonheur de retrouver notre grande tente, dans laquelle on peut même inviter Ywann et Myriam à dîner quand tombe la nuit et le froid ! Seul problème, le sable s'invite partout, dans les fermetures éclair, le brûleur à essence, les fixations des sacoches et les chaussettes... Rrrrr... et les puces de sable qui sautent dans la gamelle de pâtes du dîner, mmmh !! 

Fisterra 
Au Cap Finisterre, nous touchons le bout du monde, ou du moins le bout de l'Europe. Les puristes diront que le point le plus occidental de l'Europe continentale n'est pas là mais au Cabo da Roca, au Portugal... il n'empêche que le Cabo Fisterra est bien le plus impressionnant, une vaste péninsule qui s'enfonce profondément dans l'océan et sur laquelle on se retrouve encerclé par l'horizon marin... Il y a deux mois on touchait de nos roues l'océan Pacifique au Vietnam, et maintenant nous voilà à l'autre bout ! Au Cabo Vilan, on dépasse un phare et un grand parc de majestueuses éoliennes, pour s'engager sur le chemin des anglais, qui longe une côte sauvage battue par les vents... des paysages à tomber par terre, d'ailleurs on s'arrête tellement souvent pour les contempler qu'il est difficile d'avancer beaucoup ! La pluie tombe parfois, mais avec les vestes et pantalons imperméables, et les – désormais célèbres – surchaussures (!), nous sommes tous les quatre complètement équipés pour pouvoir rouler sans que les gouttes ne nous arrêtent ! 

A Coruna 
Les côtes n'en finissent plus, on monte et on descend, et on finit par se sentir un peu sales tout de même après 3 bivouacs dans le froid ! On finit malgré tout par arriver à La Corogne hier, où Javier, Beito, Davis et Jesus nous accueillent dans leur coloc'... Avec eux on se met tout de suite à l'heure espagnole, apéro jusqu'à 22h, dîner dans un bar à tapas jusqu'à minuit, puis fin de soirée dans un pub jusqu'à... 4 heures !!! Oh là là, on a pas vu tourner l'heure tellement on a passé une bonne soirée, à enchaîner les liqueurs de café (spécialité locale) et à discuter de la langue galicienne (qu'ils parlent tous les quatre)... 
Aujourd'hui, c'est donc un lendemain difficile, un peu mal aux cheveux comme on dit, alors on est pas franchement efficaces... Ça tombe bien, pas de vélo prévu, ce soir on prend le bus direction Irun, à la frontière française ! Eh oui, c'est que nous avons d'autres rendez-vous prévus, peut-être tout aussi festifs : ce week-end nous retrouvons des amis à Saint-Faust, à côté de Pau... Alors manana estaremos en Francia, demain matin on sera en France, et gare au premier croissant aux amandes qui croisera notre chemin ! Ça fait bizarre...
20120207 - Galicia